vendredi 27 mars 2015

De la transidentité

De la transidentité



Je suis « Je » mais aussi « Nous ». Mes comportements, ma façon de penser, mes aspirations sont à la fois miennes propres et influencées, voire façonnées, par ceux et celles avec qui je vis, bref, à la fois je leur ressemble et je m’en différencie. Ce qu’exprime très bien le mot « identité » – ce mot qui, comme quelques rares autres (défendre, desservir), veut dire à la fois une chose et son contraire : « identité » me renvoie à  la « similitude » entre deux objets, mais aussi à la « spécificité » de tel ou tel objet.

Pourquoi et comment sommes-nous qui nous sommes? Répondre par la classique question «hérédité ou culture? » n’a plus de sens, on le sait, car si l’une et l’autre interviennent, ce n’est pas en simplement s’additionnant, c’est  en  interagissant de façon incessante l’une sur l’autre. Mais alors, quel en est le mécanisme au plan organique, physiologique? Autrement dit, quelles relations le cerveau, dans son développement, entretient-il avec le milieu? Les cellules nerveuses cérébrales, dites neurones, communiquent entre elles par des canaux de transmission fort complexes, fort élaborés, qu’on appelle les synapses. Selon  l’éducation, le vécu, les hasards de la vie, ces synapses se construisent ou se détruisent, en conséquence de quoi des capacités, des compétences apparaissent ou disparaissent : on a affaire à un ensemble dynamique, à un processus continu.  Jusqu’à la puberté, la production de synapses est maintenue à sa valeur maximale, c’est le temps où l’individu fait  ses apprentissages (sensoriel, cognitif, moteur). Puis, brusquement, 40% des synapses, on ne sait trop pourquoi, disparaissent, signant la perte définitive d’un certain nombre d’aptitudes à l’acquisition d’apprentissages nouveaux. Et à la vieillesse, on assiste à la perte massive de ces synapses.
 
Ainsi donc, à mesure que nous grandissons, nos expériences s’inscrivent littéralement dans notre cerveau pour former avec notre donné génétique un complexe indissociable, qui nous est propre et qui va, avec le temps, conditionner  nos façons de penser, de réagir, de sentir, bref, notre personnalité, pour faire de nous un être à nul autre réductible. Un être qui porte fortement l’empreinte, d’abord familiale, de son passé.  Mais aussi celle de l’environnement : la culture, les normes comportementales qui en émanent, imposent des comportements différents selon diverses variables dont principalement le sexe (du moins en l’état actuel des choses) : comme  la sélection opérée par le cerveau reflète les influences reçues et les expériences vécues, le processus dit d’individuation prendra des voies différentes selon qu’on est fille ou garçon : on deviendra  « femme » ou « homme », un être affecté d’attributs socialement reconnus, venus se mouler sur des caractéristiques qui lui sont propres.

Ainsi donc, pas plus que le sexe biologique mais pour d’autres raisons, le sexe social ne peut se balayer à la commande, car il est très fortement inscrit à la fois dans la psyché et dans le corps. Voilà pourquoi un transgenre ne peut être véritablement du sexe auquel il/elle prétend : un simple coup de dés ne saurait abolir l’homme ou la femme que le temps a fait tel qu’il/elle est. 

In cauda venenum,

Andrée Yanacopoulo, PDF Québec

lundi 2 mars 2015

De quelques femmes remarquables - 1

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Il y en a tellement !
Il y en a tellement eu !
Sans compter toutes ces femmes de l’ombre dont l’histoire n’a pas, ou si peu, retenu le nom et qui pourtant…



Olympe de Gouges (Montauban, 1748-Paris, 1793)



De son vrai nom Marie Gouze, elle se présente comme une femme de lettres. Ses œuvres (roman, théâtre) sont mineures, mais son attention aux problèmes de son époque est remarquable, et c’est à l’occasion des événements de la Révolution française qu’elle va révéler ses qualités d’énergie, de courage et de sympathie avec les délaissés et les opprimés. Elle appelle en 1789 à la création d’une « maison de charité » réservée aux femmes, publie en 1791 les dix-sept articles d’une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dédiée à la reine Marie-Antoinette, dans laquelle elle réclame l’égalité entre hommes et femmes : « Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles », « Dans les siècles de corruption, vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes ». « Femme, réveille-toi! », et puisque nous avons « le droit de monter sur l’échafaud », obtenons celui de « monter à la tribune ». Olympe de Gouges ne jouira jamais que du premier : le 3 novembre 1793, la guillotine lui fera un sort.


Éva Circé-Côté (Montréal 1871-Montréal, 1949)



Musicienne, poète, peintre, première bibliothécaire de la première bibliothèque publique de Montréal, elle s’affirma de plus en plus comme chroniqueuse et journaliste. Usant de pseudonymes divers (masculins la plupart du temps, ainsi le voulait l’époque) qui retarderont la découverte de son œuvre, elle ne craint pas d’apostropher, et parfois vertement, le monde politique, d’interpeler la hiérarchie religieuse, de prôner la paix et le désarmement, de dénoncer la corruption politique, d’exhorter les femmes à travailler hors de chez elle, de réclamer à grands cris « l’instruction à la portée de tout le monde », de railler la Société Royale du Canada, « figuier desséché » qu’elle compare au mariage (« l’une est tombeau de la gloire, l’autre de l’amour »)… Bref, une journaliste comme on aimerait en avoir de nos jours.



Alexandra David-Néel (Saint-Mandé, 1868-Digne, 1969)



Après avoir entamé une carrière de cantatrice (elle se produira aux opéras d’Athènes et de Tunis), elle épouse à trente-six ans son amant Alexandre Néel. Décidée à ne pas avoir d’enfants, elle plante là un beau jour son époux pour partir seule explorer l’Inde. Bouddhiste de cœur, elle ira rencontrer le 13e Dalaï Lama en exil à Kalimpong (au pied de l’Himalaya), puis s’établira au monastère de Lachen dont le supérieur deviendra son maître spirituel. Ses lettres à Alexandre, qui fourmillent de détails passionnants, constituent un véritable journal de voyage (tome 1 : 1904-1917, tome 2 : 1918-1940), d’ailleurs publié comme tel. Au demeurant féministe à sa manière, si elle en veut aux hommes, elle n’est pas sans épargner les femmes : « Si elles étaient différentes, elles donneraient une autre éducation à leurs fils. »



Maryam Mirzakhani (Téhéran, 1977 -)



Elle a très tôt manifesté des dons exceptionnels qui ont obligé à lui faire suivre un enseignement pour surdoués. Détentrice d’un doctorat de l’université Harvard, particulièrement apte à manipuler des concepts abstraits (elle est, selon ses pairs, d’une « créativité exceptionnelle »), elle travaille essentiellement dans le champ des mathématiques pures (compréhension de la symétrie des surfaces incurvées). En 2014, elle est, à 37 ans, la première femme à se voir remettre la médaille Fields, équivalent du prix Nobel. Ses champs de recherche, appelés à un grand avenir, sont l’espace de Teichmüller, la géométrie hyperbolique, la théorie ergodique, l'espace de modules et la géométrie symplectique. Cela vous dit sûrement quelque chose…


Andrée Yanacopoulo